Voici un passage de L'inconnu sur la terre, un livre que j'ai toujours voulu apprendre par coeur, pour mieux voir le monde:
Mais dans la beauté réelle il y a surtout ceci: l'infini interne. Parfois, je regarde des yeux, comme cela, deux yeux dans le visage d'un enfant de cinq ans. Ils ne sont pas comme des yeux d'animal, et ils ne sont pas non plus comme des yeux d'homme. Ce sont deux yeux profonds, clairs, qui fixent directement votre regard, qui traversent tout droit l'air transparent de leur lumière que rien ne peut troubler. Ces yeux n'expriment rien, du moins rien de ce que les paroles des adultes laissent comprendre. Ils ne veulent pas juger, ni séduire, ni subjuguer. Ils veulent seulement voir ce qu'il y a, et par les pupilles ouvertes, recevoir en retour le rayonnement de la lumière. Alors dans ces yeux, sans qu'on puisse comprendre pourquoi, on aperçoit soudain la profondeur qui est sous toutes les apparences. C'est un vertige inconnu qui s'empare de vous, tandis que le regard clair de ces yeux d'enfants s'appuie sur vos propres yeux. Une porte en vous s'entreouvre, et l'espace vaste et le temps très grand commencent à sortir, à glisser comme un souffle, comme une eau froide qui va et vient. (63)
Ce qui est tout à fait fascinant dans ce passage et la dernière phrase dans laquelle sont juxtaposés: le temps, le souffle-air, et l'eau.